Les véhicules électriques sont tellement différents de leurs équivalents à essence que les constructeurs automobiles peuvent aisément se débarrasser de systèmes de fabrication vieux de plusieurs décennies. Il en va de même pour leur infrastructure IT. Quand General Motors a nommé Namo Tiwari DSI de sa start-up interne BrightDrop, ce dernier a décidé de créer un ERP à partir de zéro plutôt que de s'appuyer sur le système existant du constructeur. C'est en janvier 2021 que GM a créé BrightDrop pour moderniser le transport du premier et du dernier kilomètre avec un écosystème intégré de fourgons électriques et de palettes motorisées. Six mois plus tard, quand Namo Tiwari a pris ses fonctions, le personnel de BrightDrop discutait déjà avec les fournisseurs de pièces et fabricants, afin de mettre en place des processus d'approvisionnement. « Nous avons pu gérer certains d'entre eux grâce à Excel et Word », explique le DSI. « Ils étaient relativement nombreux, mais ce n'était pas comme si nous avions eu à traiter des millions ou des trillions d'enregistrements pour commencer », ajoute-t-il.

Cependant, la course pour construire le système définitif était lancée, avant que ces solutions ad hoc ne prennent racine. « Nous ne voulions pas construire un écosystème de cette importance sur Excel, Word et SharePoint, parce que, quand on construit les processus en dehors des outils et qu'il faut les rapatrier en migrant les données historiques, c'est beaucoup plus difficile », observe Namo Tiwari. L'une de ses priorités a donc été d'identifier les principales fonctionnalités que l'entreprise attendait d'un système ERP. En plus des fonctions de base - l'intégration des fournisseurs, le traitement des factures et la création des bons de commande déjà effectués dans Excel et Word - elle avait besoin d'un système capable de remplir d'autres fonctions importantes, comme la planification de la demande pour la supply chain et les prévisions financières.

Une réflexion originale

« Nous cherchions une solution dont nous pourrions tirer parti de 90 %, voire 100 % des fonctionnalités prêtes à l'emploi, car nous étions tout juste en train de mettre en place les processus métiers », explique Namo Tiwari. « L'agilité et la rapidité étaient très importantes pour nous », indique-t-il, précisant qu'il ne voulait pas non plus passer six mois à évaluer les options. « Le processus a donc été court, mais sans être précipité », pointe le DSI. Les autres branches du groupe GM fonctionnent avec SAP, et bien qu'il ait évalué les offres d'autres fournisseurs, ce choix s'est imposé à lui naturellement. Mais Namo Tiwari ne souhaitait pas utiliser SAP ERP Central Component (SAP ECC), l'ancienne offre ERP de SAP. GM a entamé le long processus de mise à niveau de ses systèmes ECC en juin 2016 et, début 2019, le constructeur a réussi à transférer son registre mondial vers SAP S/4HANA pour la finance centrale.

Le DSI ne voulait pas non que sa petite équipe IT - constituée aujourd'hui de 19 équivalents temps plein au service de près de 300 employés de BrightDrop - gère des racks de serveurs. « Dès que l'on entend parler de l'ERP SAP, on a tendance à penser qu'il faut une armée de collaborateurs pour gérer les opérations IT avec ce mastodonte », explique-t-il. C'est la raison pour laquelle il a choisi d'externaliser ces responsabilités, en se tournant vers l'offre SAP basée sur le cloud. « Avec S/4HANA Cloud, et surtout le cloud public multitenant, il n'est pas nécessaire de déployer de grosses équipes IT pour soutenir l'infrastructure », note-t-il. Ce choix contraste fortement avec la décision prise par GM en 2012 d'internaliser les opérations IT dans la mesure du possible. « J'ai donc changé toute la dynamique en optant pour la solution entièrement cloud », poursuit le DSI.

Mise en oeuvre des processus

Le statut de start-up de BrightDrop a également permis à Namo Tiwari de bouleverser d'autres pratiques. « En général, dans le domaine de l'IT, il faut d'abord définir tous les processus métiers, puis commencer à mettre en oeuvre l'outil », observe-t-il. « Et pour cela, il faut que les différents métiers dans l'entreprise indiquent comment fonctionnent leurs processus. Dans notre cas, nous avons fait les implémentations en même temps que nous commencions à embaucher. » Choisir l'édition publique de S/4HANA Cloud signifie que BrightDrop dispose de la même version du logiciel que tout le monde, et que la configuration, plutôt que la personnalisation, est essentielle. Tout cela aurait pu compliquer la tâche du DSI, mais, comme SAP compte déjà de nombreux clients dans le secteur automobile, « SAP savait que, dans ce secteur, les achats se font ainsi », ce qui lui a permis de proposer une configuration appropriée dès le départ.

En interne, Namo Tiwari a aussi profité dans son équipe de l'expérience de chefs de produit qui avaient parfois 20 ans de pratique autour des ERP ou de SAP. Ces personnes connaissaient la technologie et le langage à utiliser quand elles s'adressaient aux collaborateurs, et elles avaient déjà vu SAP fonctionner dans trois ou quatre autres entreprises, si bien qu'elles avaient la confiance nécessaire pour mettre au point une démonstration prête à l'emploi et expliquer aux utilisateurs comment tout cela fonctionnait. « C'était différent d'une implémentation traditionnelle d'ERP, où l'on rédige un tas de documents ou d'exigences métiers que l'on va construire », pointe Namo Tiwari. « Tout s'est fait en parallèle, c'est-à-dire que nous avons construit les processus en tirant parti des fonctionnalités prêtes à l'emploi. » Cela signifiait que les choses pouvaient aller vite. « Nous avons lancé le projet au milieu de l'année dernière et nous l'avons mis en service en février de cette année », précise-t-il. Comparativement, il avait fallu 30 mois à la société mère pour migrer son registre mondial.

Des utilisateurs étroitement impliqués dans la construction

Avoir la liberté d'avancer à cette vitesse est aussi libérateur que terrifiant. Dans un sens, Namo Tiwari s'est senti pleinement habilité parce qu'il pouvait aller de l'avant sans avoir trop de choses à porter. « Mais là où j'étais un peu nerveux, c'est que je ne savais pas comment allaient se dérouler les processus métiers », reconnaît le DSI. « Les gens viennent vous dire que ce n'est pas comme ça qu'ils font d'habitude et qu'ils veulent le faire de telle ou telle manière... C'est là que la personnalisation entre en jeu ». Dans ce scénario, beaucoup de dirigeants IT sont obligés de créer une capacité spécifique, ce qui augmente les coûts, mais Namo Tiwari a cherché d'autres moyens de faire correspondre les souhaits des utilisateurs avec les options prêtes à l'emploi disponibles. Il y a donc eu beaucoup de va-et-vient dans le processus de construction. « C'était très interactif, avec des démonstrations toutes les semaines environ, de façon à éviter que l'équipe IT aille interroger les utilisateurs sur les exigences, puis disparaisse pour revenir trois mois plus tard avec une solution qui ne répondait plus à leurs besoins », confie le DSI.

En réalité, celui-ci n'a pas tout construit à partir de zéro. Par exemple, la start-up s'appuie toujours sur les services IT centraux de GM pour les systèmes RH qui servent à l'intégration des nouveaux employés et à leur fournir une adresse électronique gobrightdrop.com. « Une fois qu'ils ont ce mail, la façon dont j'ai déployé l'infrastructure leur permet de se connecter à tous mes écosystèmes avec cette adresse », explique Namo Tiwari. Mais, alors que les livraisons des fourgons électriques de BrightDrop commencent, le DSI doit établir des connexions avec le réseau de concessionnaires de l'entreprise. « Certains d'entre eux utilisent encore des mainframes, alors que de notre côté nous avons 50 ans d'avance en termes de technologies. C'est mon plus grand défi du moment. »